La réforme du droit d’auteur allemand – Article n°5

Pour être conformes aux directives européennes du 17 avril 2019, la première établissant des règles sur l’exercice du droit d’auteur et des droits voisins applicables à certaines transmissions en ligne d’organismes de radiodiffusion et retransmissions de programmes de télévision et de radio, et la seconde sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique, les législateurs des pays membres de l’Union Européenne doivent en transposer les dispositions dans leur droit national d’ici juin 2021. 

Cet été, c’est l’Allemagne qui a proposé un projet de réforme de son droit d’auteur afin de l’adapter au droit européen. Plus grande réforme du droit d’auteur allemand depuis 20 ans, elle vise à adapter le droit d’auteur aux nouveaux médias et à l’ère du numérique. L’enjeu est de taille : la constante évolution des médias, et surtout de l’Internet, nécessite une adaptation du droit pour assurer la protection des auteurs dans toutes les situations imaginables.

Au programme, un certain nombre de modifications à la loi allemande actuelle régissant la matière :  une nouvelle autorisation légale pour les caricatures, les parodies et les pastiches, de nouvelles dispositions régissant la distribution en ligne de programmes de télévision et de radio, un nouveau droit d’auteur accessoire pour les éditeurs de presse, une adaptation du droit des contrats spécialisé dans la matière, la possibilité pour les sociétés de gestion collective d’accorder des licences collectives à effet étendu, … 

Le projet de réforme vise également la transposition de l’article 17 de la directive sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique (ancien article 13), particulièrement controversé. Une nouvelle loi réglementerait d’une nouvelle manière la responsabilité des plateformes de téléchargement pour le contenu téléchargé par leurs utilisateurs. 

Selon la directive européenne, les fournisseurs de services de partage de contenus en ligne seraient ainsi responsables des actes non autorisés de communication au public par principe, à moins de démontrer d’avoir fourni leurs meilleurs efforts pour obtenir une autorisation et pour garantir l’indisponibilité d’œuvres protégées ou qu’ils ont agi promptement pour bloquer l’accès aux oeuvres téléchargées illicitement.

La transposition allemande est tout autant critiquée, notamment par la BVMI (Bundesverband Musikindustrie), équivalent allemand du SNEP (Syndicat national de l’édition phonographique), qui a critiqué plusieurs dispositions du projet de loi en considérant qu’elles n’étaient pas représentatives du compromis européen et que le projet avait été rédigé au détriment des auteurs. Le syndicat critique par exemple la réglementation de l’article 8 de la UrhGDaG-E selon laquelle les plateformes de téléchargement doivent permettre à leurs utilisateurs de marquer les téléchargements comme des utilisations autorisées et donc de les protéger contre un blocage ou un retrait immédiat. Pour lui, l’article est en contradiction avec le libellé et l’objectif de l’article 17.

La mise en œuvre de la directive européenne sur le droit d’auteur consiste en un exercice d’équilibre législatif. Les différents acteurs de la création artistique doivent recevoir une part équitable de la valeur ajoutée générée par la publication sur les plateformes, sans que les libertés d’expression et d’information des utilisateurs ne soient violées.

Christine Lambrecht, ministre de la Justice, s’est exprimée sur la question, affirmant qu’ « il est important pour [elle] de prendre en compte les droits et les intérêts de toutes les parties concernées – c’est-à-dire les créateurs, les entreprises des industries créatives, les entreprises Internet et les utilisateurs. » Elle ajoute que « La mise en œuvre [de la directive] est une question de juste équilibre des intérêts. »

Le projet avait été envoyé le 13 octobre aux Länder et aux parties intéressées qui avaient la possibilité de présenter leurs observations jusqu’au 6 novembre 2020. De nombreux commentaires ont été publiés, mais Christine Lambrecht reste confiante quant au respect du délai de mise en oeuvre de juin 2021.

Cependant, dans la mesure où la directive sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique doit faire l’objet d’un réexamen avant juin 2026, il n’est pas exclu que les dispositions controversées mises en oeuvre d’ici-là soient réévaluées et modifiées au niveau européen, engendrant une nouvelle réforme du droit d’auteur allemand au niveau national.

Sources : 

  • Directive 2019/789 du 17 avril 2019 établissant des règles sur l’exercice du droit d’auteur et des droits voisins applicables à certaines transmissions en ligne d’organismes de radiodiffusion et retransmissions de programmes de télévision et de radio.
  • Directive 2019/790 du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique.
  • Referentenentwurf des Bundesministeriums der Justiz und für Verbraucherschutz, Entwurf eines Gesetzes zur Anpassung des Urheberrechts an die Erfordernisse des digitalen Binnenmarktes, 2. September 2020 (Projet de réforme de la loi visant à adapter le droit d’auteur aux exigences du marché intérieur numérique allemande du 2 septembre 2020).

Léa Watteau

 

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